A « Soupapes », on est tombé par hasard sur une série d’articles de la presse locale indiquant que la municipalité poitevine avait décidé d’imposer les 30 km/h sur tout ou partie de son réseau routier. Décision illustrée par des affiches vantant la « Qualité de ville » installées sur les trottoirs incitant les automobilistes à lever le pied pour tenter de ne pas dépasser la limite imposée. L’information est d’ailleurs renforcée par la présence de radars pédagogiques les avertissant d’un éventuel excès. Et ceux-là, au vu d’une virée à travers la cité pictave, risquent d’être nombreux à faire partie du club des épinglés. Car la police, selon nos confrères, va bientôt sévir. Attention donc aux jumelles posées au bord des rues ! Ça risque de grogner dans les chaumières lorsque l’amende s’invitera à l’heure du dîner !
Poitiers prend donc exemple sur les grandes ou petites villes ayant déjà mis la mesure en place. Au motif sécuritaire évident, qu’un choc à 30 km/h entraînera des blessures moins graves à un piéton notamment, qu’à 50 km/h. Mais ce genre de fait-divers n’est fort heureusement pas quotidien en terre pictave. Quant au temps « perdu » il serait infime selon nos confrères qui ont testé le même parcours à 30 et 50 km/h.
Evoluer dans une ambiance apaisée…
Alors, on peut donc se dire que tout cela n’est que bon sens pour la quiétude des riverains, des cyclistes (encore que certains ont des progrès à faire en matière de comportement *) et des piétons. Evoluer dans une ambiance apaisée (à condition de remettre un vrai pot d’échappement aux scooters trop bruyants!) ; franchir un carrefour sans craindre un feu rouge grillé ; permettre aux piétons de traverser sans soucis ; ne plus être secoué par des ralentisseurs qui frisent l’illégalité par leur taille… quel pied. !
Seulement voilà, on a oublié un détail. Celui qui va faire tousser les poitevins. Quand on connaît la physionomie de la capitale poitevine on s’aperçoit très vite qu’elle est faite de montées et par conséquent… de descentes. Un peu comme des montagnes russes.
Bien-sûr nous avons voulu nous faire notre propre opinion en testant la mesure sur le terrain. Respecter les 30 km/h nécessite avant tout une attention de chaque instant. Les yeux plus souvent fixés sur le compteur, car il est difficile de conduire au régulateur entre deux feux, on ne regarde la route que par intermittence. Un peu comme ceux qui roulent le portable à la main. Pour la sécurité on repassera.
… mais dans une atmosphère plus polluée !
Sur le plat, la mesure semble supportable, bien qu’à 30 au lieu de 50 il est souvent nécessaire de passer de la quatrième à la troisième. C’est notamment le cas pour une citadine dont la cylindrée est limitée. On pourra certes rester sur le même rapport, mais le sous-régime moteur, est également facteur de surconsommation, donc de rejets polluants !
Après les boulevards de la partie plate, nous avons choisi la Côte du Fief de Grimoire pour tester la partie « montagne russe ». Et là, c’est un tout autre constat. Prétendre qu’emprunter cette rue à 30km/h ne génère pas de rejets supplémentaires est pure vue de l’esprit. En côte plus qu’ailleurs il est nécessaire de rétrograder comme le demande l’indicateur de passage de vitesse (un économètre) qui équipe la plupart des véhicules actuels. La montée s’effectue en 3e à environ 1 500tr/minute à 30 km/h, alors que 1 200 tr/mn suffisent pour atteindre 50 en 4e. Dans le premier cas le moteur sera donc davantage sollicité, consommera plus … et polluera plus. CQFD ! Les riverains apprécieront, notamment les pensionnaires de la clinique! Pour la « Qualité de ville » on repassera, aussi !
Décision réfléchie ou prise au « doigt mouillé » ?
A « Soupapes » on se dit que la municipalité poitevine a dû « oublier » de prendre la pollution en compte. Pourtant les faits sont là, têtus. D’ailleurs, ce n’est pas nous qui l’affirmons, mais le Cerema. Cet organisme officiel a publié une étude précise sur les conséquences de la limitation à 30 km/h en ville (1). On serait donc en droit de savoir si cette question environnementale a été prise en compte par la municipalité avant qu’elle ne décide de limiter la vitesse.
Véritable étude sur le terrain ou décision prise au « doigt mouillé » ? Nous avons posé la question par mail à un élu poitevin dont c’est le job… Il n’a pas pris la peine de nous répondre. Dommage !
Alors, quelles sont en fait les réelles motivations d’une équipe municipale qui fait de l’écologie et du bien-être de ses concitoyens, son cheval de bataille ? Nous on a bien une petite idée. Mais c’est un autre débat !
Alain Vouhé
(1)Selon l’étude du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques. Etablissement public placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires) réalisée à la demande de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, il apparaît qu’un véhicule à moteur thermique qui circule en ville consomme plus et pollue plus à 30 km/h qu’à 50 km/h d’environ 15%. Toujours selon le Cerema : «plus étonnant, à cette vitesse réduite, il pollue autant qu’à 130 km/h! » Il ressort de cette même étude que pour les véhicules dotés d’un moteur thermique essence ou diesel, la vitesse idéale pour limiter au maximum les émissions nocives (particules fines, Nox) est de 70 km/h. On en demande pas autant !
(*) Certains oublient que les rues piétonnes sont avant tout réservées…. aux piétons et qu’à ce titre il est de bon ton de signaler son arrivée en utilisant sa « sonnette » lorsqu’on roule derrière les marcheurs. Qu’il est aussi interdit d’utiliser des écouteurs, des oreillettes ou un casque audio.