Polonais, Roumains, Lituaniens, Lettons, Espagnols, Portugais….Mais aussi Belges, Français, Allemands, ils sont des milliers à emprunter quotidiennement le réseau routier français, point de passage obligé entre les pays de la péninsule ibérique et ceux du Nord et l’Est de l’Europe.
Avec une moyenne de 120gr de CO2 par tonne au kilomètre, un camion avec une charge de 20 tonnes (*) rejette pas moins de 1 200 kg de CO2 sur une distance d’environ 500 kilomètres. Comme c’est le cas pris pour exemple entre la sortie de l’A10 à Poitiers Sud et la frontière espagnole. Et si on y ajoute une consommation, là encore moyenne, de 30 litres (**) aux 100km, on remplit une cuve de 1 500 litres de gazole. Beau bilan écologique. Sauf que sur la RN 10 de plus en plus fréquentée par les poids lourds dont les chauffeurs ont la consigne de quitter l’autoroute à Poitiers Sud, on enregistre un flux de quasiment 10 000 bahuts/jour dans les deux sens qui montent avec des fruits et légumes du fin-fond de l’Espagne ou du Portugal et redescendent avec un autre fret. Et les choses ne risquent pas de s’améliorer après l’annonce d’une augmentation du tarif autoroutier en février prochain.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Quand on sait compter, on se rend vite compte que ce «tsunami camionesque » entraîne quotidiennement sur ce même axe, 12 millions de tonnes de rejets de CO2 et une consommation moyenne de 15 millions de litres de gazole. Une évaluation qui, étendue sur une année, se chiffre en milliards. A moins d’électrifier tous les camions, les faits resteront têtus. Surtout compte tenu du prix d’un gros porteur « électrique » doté d’une autonomie suffisante.
Tesla, encore lui, serait le seul constructeur à proposer un engin assurant une autonomie de plus de 600 km pour un ticket d’entrée de près de 200 000 euros. Au bas mot.
Alors, une question vient tout de suite à l’esprit de quelqu’un soucieux de la préservation de l’environnement. Pourquoi l’Europe et a fortiori la France qui nous tannent le cuir avec les bagnoles électriques dont les vertus environnementales restent encore à prouver, ne se penchent-elles pas sur ce problème qui ne concerne pas que ce « petit » tronçon, mais touche l’ensemble du territoire. (Il n’y a qu’à parcourir l’A1 ou d’autres axes au départ de la capitale pour s’en rendre compte). Il est sans doute plus confortable de décider d’une taxe que de prendre les choses à bras le corps. Les automobilistes sont facilement malléables, les gouvernants un peu moins. Et puis… il y a les lobbies.
Et le ferroutage alors ?
Ah, le beau marronnier. Il fut un temps, à chaque période électorale importante, des candidats promettaient, s’ils étaient élus, de plancher sur le ferroutage. En clair, mettre les camions sur des trains et leur faire traverser la France sans trop polluer et surtout sans occasionner une gène importante aux riverains de ces grands axes. Comme c’est le cas en Suisse par exemple. Ou en France au départ de Calais vers la Belgique, puis vers les Pyrénées orientales. Mais pour le reste, notamment la liaison Nord-Sud A1-A10 (la plus fréquentée au quotidien) : on en est toujours à l’état de projet. A l’époque, disions-nous, les contradicteurs, nombreux, avançaient le fait que les infrastructures n’étaient pas adaptées pour le trafic voyageurs et le fret.
Mais depuis, les choses ont bien évolué. Des lignes à grande vitesse ont été construites à grand renfort de milliards d’euros et les tracés originels ont été conservés pour permettre les liaisons régionales. Bizarre : on peut financer une LGV, mais pas adapter un réseau existant au ferroutage ?
Las, les Verts (*** lire l’extrait de leur programme sur les transports pour la présidentielle 2022) ne se penchent toujours pas sur cette solution qui pourtant va dans le bon sens.
Sans doute que s’ils mettaient autant d’ardeur sur ce sujet que pour le véhicule électrique, les choses auraient bien avancé.
A moins que la Qatar ne soit passé par là pour continuer à vendre son pétrole dont certains députés récemment épinglés seraient fichus de prétendre qu’il ne pollue pas !
Alain Vouhé
(*) Selon l’Ademe (NDLR : moyenne basse. On est souvent plus proche de 34, voire 40 tonnes)
(**) Statista.com
(***) «…Pour favoriser le transport ferroviaire de marchandises et les trains de nuit, nous améliorerons l’entretien du réseau ferré et proposerons des horaires fiables et performants pour tous les trains circulant la nuit. Cette rénovation du réseau passera par la modernisation et l’électrification des petites lignes…»