Il n’y a pas que Citroën. Peugeot, aussi, a connu et connaît encore des heures de gloire en transportant élus et chefs de l’Etat. En fait, le véhicule du président de la République est bien plus qu’une voiture ! Depuis un demi-siècle, depuis la 604 de Giscard, jusqu’à la 5008 de Macron, Peugeot fait partie des fournisseurs de l’Elysée. Petite balade sur les routes de l’histoire de la Ve République… Pour d’évidentes raisons de sécurité, la Présidence de la République impose le secret sur ses spécificités. Tout juste peut-on savoir que le 5008 a été produit, comme tous les 5008, par l’usine de Rennes puis confié à Centigon, une société bretonne spécialisée qui a réalisé le blindage du véhicule. Pour le reste, les seules informations communiquées concernent l’aménagement des places arrière (2 sièges au lieu de 3, avec une console centrale spécifique), le montage de feux de pénétration sur la calandre et l’apposition des insignes de la Présidence de la République sur la carrosserie. Top secret, on vous dit !
La pionnière : la Peugeot Type 156 d’Alexandre Millerand
La « préhistoire » de Peugeot et de la République Française commence dès les années 20. Le 23 septembre 1920, Alexandre Millerand roule en Peugeot Type 156 dès 1921. Première voiture fabriquée à Sochaux, la Type 156 est le haut de gamme de la marque à l’époque avec un impressionnant moteur 6 cylindres en ligne de 5 954 cm3 développant… 25 chevaux.
Les 604 de Giscard
Plus d’un demi-siècle plus tard (Citroën est passé par là..), c’est un amateur de conduite, de voitures et de Peugeot qui est élu par les Français. Giscard d’Estaing fait entrer Peugeot à l’Elysée dès 1975, année de lancement du nouveau vaisseau amiral de la marque, la 604. Autre innovation voulue par un chef de l’Etat résolument moderne : les voitures du Président ne seront plus noires mais « vert mousse ».
Quatre Peugeot 604 seront commandées par l’Elysée au cours du septennat. Trois d’entre elles sont des modèles de série, des versions haut de gamme SL animées par le V6 2,6 litres de 136 chevaux, que le Président prend plaisir à conduire parfois lui-même. A côté de celles-ci, une 604 Limousine Présidentielle est réservée aux cérémonies d’apparat. Réalisée en collaboration avec le carrossier Heuliez, elle bénéficie d’un empattement rallongé de 62 centimètres, au bénéfice des places arrière luxueusement aménagées, et d’un toit recouvert de simili noir.
En revanche, l’Elysée ne valide pas le projet de la 604 « landaulet » (places arrière découvrables) proposé par le carrossier Chapron. L’exemplaire unique réalisé en 1979 sera finalement livré au président du Niger.
La 605 limousine blindée avec Mitterrand
En 1991, l’Elysée fait l’acquisition d’une 605 qui a été rallongée et blindée par l’entreprise bretonne Labbé (qui deviendra Centigon). Ce modèle équipé du moteur V6 de 170 ch a été doté d’un blindage en acier haute résistance et de vitres faites d’un composite verre et polycarbonate résistant aux balles. Bilan sur la balance : 2 500 kg, soit 1 000 kg de plus que la 605 V6 de série ! Cette limousine sert essentiellement aux chefs d’Etat accueillis en France comme Mikhaïl Gorbatchev, Hosni Moubarak ou le pape Jean-Paul II.
Les Peugeot des Chirac
Pendant ses douze années passées à l’Elysée, Jacques Chirac utilise régulièrement les Peugeot 607 qui ont rejoint le parc automobile de la Présidence de la République. Mais la Peugeot qui a sans doute le plus marqué les Français à cette époque est la 205 SR rouge millésime 1984 que l’épouse du président conduit elle-même sur les routes de Corrèze…
La 607 Paladine de Sarkozy
La 607 Paladine fut sans doute la plus spectaculaire et la plus éphémère des voitures présidentielles de la Ve République. En 2007, l’équipe de Nicolas Sarkozy cherche un véhicule qui incarnera le renouveau et la modernité lors de la remontée des Champs Elysées que le nouveau président effectuera le jour de son investiture. Quelqu’un se souvient alors du concept-car Peugeot 607 Paladine présenté au Salon de Genève 2000. Réalisée pour Peugeot par le carrossier Heuliez cette spectaculaire 607 est une limousine de plus de 5 mètres transformée en landaulet avec un toit tôlé et vitré escamotable qui découvre les places arrière. L’habitacle est luxueusement aménagé par le sellier Hermès avec un magnifique cuir bleu et crème, un bar, deux superbes fauteuils réglables électriquement pour les passagers de prestige et un strapontin dos à la route pour un accompagnant.
La 607 Paladine est donc extraite du Musée Peugeot et, le 16 mai 2007, la France et le monde ont donc la surprise de la découvrir sur les Champs-Elysées. Une voiture qui a conservé, malgré les nombreuses modifications effectuées, l’élégance de la 607 de série. En revanche, l’installation du mécanisme du toit rétractable a imposé une sévère cure d’amaigrissement au réservoir de carburant : sa contenance n’est plus que de 6 litres. Ce qui n’était pas gênant pour un concept-car devient problématique pour un usage régulier compte-tenu du poids de la voiture et de l’appétit de son moteur V6. La 607 Paladine ne sera donc plus utilisée.
Questions présidentielles
Un ou deux drapeaux ? Le protocole définit précisément la « décoration » de la voiture présidentielle. Lorsque le président de la République est à son bord pour une occasion officielle, la voiture est ornée d’un drapeau français fixé à l’avant droit du véhicule, du côté où le chef de l’Etat entre et sort. Lorsqu’un second chef d’Etat ou de gouvernement accompagne le président français, le drapeau de son pays est fixé à l’avant gauche, du côté où il entre et sort du véhicule.
Quelle immatriculation ? Jusqu’aux années 70, l’Elysée avait l’usage réservé des immatriculations 1PR75 à 5PR75 pour la voiture du Président.
Que deviennent les voitures après le départ du président ? Certaines sont conservées dans le parc automobile de l’Elysée, d’autres vendues ou confiées à des musées. Ainsi, la Type 156 de Millerand, la 604 limousine de Giscard d’Estaing, la 605 limousine de Mitterrand et la 607 Paladine sont conservées par le Musée de l’Aventure Peugeot.